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La lettre de SGA

Ebitda, quesaco ?


Frédéric Villiers-Moriamé

Nous avons vu apparaître il y a quelque temps une nouvelle expression dans le jargon financier qui a du en laisser ou qui en laisse encore plus d'un dubitatif, voire légèrement angoissé à l'idée de ne pas savoir « sans oser le demander » comme disait Woody Allen.



Tout d'abord, Ebitda, cela veut dire quoi ? c'est l'abréviation du « earning before interests, taxes, depreciation and amortization » anglo saxon, soit littéralement un résultat avant frais financiers, impôts, provisions et amortissements.

Faut-il considérer comme certains que cela n'est qu'un effet de mode passager ou pire, un nouvel outil destiné à rendre encore plus opaque la lecture des résultats financiers des entreprises afin de noyer le poisson (fût-il « un requin pas sérieux ») : « Les sociétés multiplient les méthodes pour afficher leur bilan au mieux de leurs intérêts. L'habitude est venue avec Internet. Pour séduire les investisseurs, les jeunes pousses ont décidé de présenter leurs plans de développement en parlant d'« Ebitda » … Depuis, tous les groupes se sont ralliés à cette notion, qui a l'immense mérite d'être toujours positive : ce résultat intermédiaire ne prend en compte que le chiffre d'affaires diminué des coûts d'achats et des salaires, et passe sous silence tous les problèmes de financement… (Martine Orange, Le Monde, 14 mars 2002) »

Si l'on essaye d'aller un peu plus loin, comment s'inscrit cette nouvelle mesure de performance dans nos critères usuels et pourquoi est-elle apparue ?
Notre système comptable français défini un certain nombre de « soldes intermédiaires de gestion », agrégats du compte de résultat de l'entreprise en grandes masses, issus d'une comptabilité par nature de charges :

La Valeur Ajoutée (VA) : c'est la différence entre les ventes et les achats de marchandises et de services généraux. (A ce propos une petite digression à l'usage des chefs comptables et directeurs financiers : c'est sur cette notion de VA que sont aujourd'hui basés les calculs de plafond et de plancher de taxe professionnelle qui sont si rarement effectués et qui peuvent souvent receler une bonne… ou une mauvaise surprise sur la cotisation de taxe professionnelle due par l'entreprise.)

L'Excédent Brut d'Exploitation (EBE) : c'est la VA retranchée des impôts et taxes et des charges de personnel.

Le Résultat d'Exploitation (RE) : c'est l'EBE retranché des dotations et des reprises d'amortissements et de provisions.

Le Résultat Courant Avant Impôt (RCAI) : c'est le RE augmenté du résultat financier (charges et produits financiers)

On aboutit (enfin !) au Résultat Net Comptable en partant du RCAI duquel on retranche le Résultat Exceptionnel, l'impôt sur les sociétés et la participation des salariés.

Le système comptable anglo-saxon définissait quant à lui des soldes intermédiaires de gestion par destination de charges.

Pour arriver à l'Operating Income (équivalent du Résultat d'Exploitation à cette différence près qu'il incorpore la participation des salariés) il n'y avait qu'un seul solde intermédiaire de gestion la Gross Margin (« la marge brute »), différence entre les ventes et le coût des marchandises ou services vendus (« costs of sales »).

Ensuite, de la Gross Margin à l' Operating Income, il n'y avait que des agrégats par destination de charges :
la recherche et développement ( « R&D »)
les frais généraux (« selling, general & administration »)

Et l'EBITDA dans tout cela, me direz-vous ? Et bien, c'est la découverte par la comptabilité anglo-saxonne, au delà de l'analyse par destination et par la rentabilité des capitaux investis, de l'utilité des soldes intermédiaires de gestion. Il s'agit tout simplement de l'EBE duquel on retranche la participation des salariés, différence identique à celle relevée entre l'Operating Income et leRésultat d'Exploitation.

L'EBITDA est-il alors utile ?

Dans la comptabilité anglo-saxonne, la réponse est à l'évidence oui car l'EBITDA permet de mesurer la performance opérationnelle de l'entreprise.

Dans la comptabilité française, la réponse est plus mitigée car nous l'avons dit, l'EBITDA a son grand cousin hexagonal, l'EBE.

Faut-il dès lors brandir l'EBITDA comme l'ALPHA et l'OMEGA ? (quoi, encore de nouveaux termes : les Grecs s'y sont donc mis aussi !)

Clairement non, car c'est l'une des mesures qui doit s'inscrire dans une analyse globale de la performance mais c'est loin d'être la seule. Parler d'EBITDA seul peut conduire à manipuler la structure du compte de résultat pour enjoliver cet indicateur : suivant la politique d'investissement (achat ou leasing) ou la stratégie de production (machines ou main d'œuvre), l'EBITDA en sera profondément modifié.

En conclusion

Oui à l'EBITDA dans le cadre d'une société internationale, faisant appel à l'ensemble de l'analyse de la performance issue de la comptabilité anglo-saxonne.

Non à l'EBITDA sorti de son contexte d'analyse et appliqué à la jeune pousse Internet qui s'imagine redorer son blason, comme le souligne Martine Orange dans le Monde.

Mais il est parfois si chic, bien qu'un peu « borderline » de noter sur sa « To Do List » le calcul d'un EBITDA ! Si Molière est mort, Monsieur Jourdain se porte comme un charme…

Comme l'année dernière, nous interromprons, Bruno et moi-même, la publication du billet d'humeur pour la reprendre en septembre avec au sommaire de ce premier numéro de rentrée, une enquête (très rapide) auprès de nos lecteurs, une nouvelle exposition, cette fois ci d'un peintre contemporain et une étude sur la destinée des commissaires aux comptes dans l'Europe de demain.

Frédéric Villiers-Moriamé, associé-gérant SGA