Le Parlement n'a probablement jamais fait aussi vite. Vendredi dernier, il a adopté définitivement le (premier) projet de loi de finances rectificative pour 2020. Un texte que le gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale l'avant-veille. Il devrait — le projet de loi n'est pas encore promulgué — notamment autoriser l'Etat à mettre sur la table 5,5 milliards d'euros pour indemniser l'activité partielle des employeurs et à apporter une aide de 1 500 euros à chaque TPE qui traverse des difficultés notables ce mois de mars.
Et ce n'est pas tout. Députés et sénateurs se sont mis d'accord dimanche dernier, c'est à dire en quatre jours seulement, sur le projet de loi (ordinaire) d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Ce texte habilite le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles dans de nombreux domaines via des ordonnances. On y trouve notamment là encore le sujet de l'activité partielle des employeurs — un sujet sur lequel de nombreux cabinets comptables attendent des réponses claires du gouvernement —, celui de l'adaptation de la vie des sociétés en ce qui concerne l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes ou encore celui de la modification des délais de paiement entre clients et fournisseurs.
Plus généralement, le gouvernement est autorisé à prendre des dispositions d'aide directe ou indirecte aux entreprises et aux associations dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie. L'objectif consiste à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19. Ces diverses dispositions s'ajoutent à celles déjà prises comme le report de paiement de certaines cotisations sociales et de certains impôts. Nous récapitulons dans le tableau ci-dessous les principales mesures d'urgence économique et sociale.
mesure | Source d'information | Textes publiés et/ou en attente |
Activité partielle | Plusieurs annonces ont été faites au sujet du chômage partiel. Le gouvernement a indiqué, le 9 mars, qu'il relevait l’allocation forfaitaire, financée par l’Etat et l’Unedic, à hauteur du Smic pour les entreprises de moins de 250 salariés, soit 8,04 euros de l'heure. Sept jours plus tard, il annonce de nouveaux aménagements parmi lesquels celui d'une couverture à 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprises, dans la limite de 4,5 Smic. Beaucoup de questions subsistent sur le dispositif (voir aussi ce questions-réponses du ministère du travail), la principale touchant au périmètre des entreprises concernées. Un décret est en attente à ce sujet. Il pourrait être "complété" par une ordonnance (prise dans le cadre du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19) ayant pour objet de "limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille, notamment en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel". Le coût global projeté pour les finances publiques serait d'au moins 8,5 milliards d'euros dont 5,5 milliards d'euros pris en charge par l'Etat. | Projet de loi de finances rectificative pour 2020, décret (en attente), Projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 + éventuellement ordonnance |
Aide de 1500 euros pour les TPE | Bruno Le Maire a annoncé que les entreprises en difficulté réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros pourraient obtenir une aide de 1500 euros. Sont concernées celles qui soit subissent une fermeture administrative soit connaissent une perte de chiffre d'affaires de plus de 70% au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019. La DGFip a précisé que cette aide serait disponible à compter du 31 mars. Pour les situations les plus difficiles, un soutien complémentaire pourra être octroyé pour éviter la faillite au cas par cas. Il est prévu pour le mois de mars un budget de 750 millions d'euros de l'Etat pour ces aides exceptionnelles. | Projet de loi de finances rectificative pour 2020 |
Report de paiement de cotisations sociales | Les employeurs qui avaient une échéance Urssaf le 15 mars ont eu l'opportunité d'en reporter le paiement. Pour les autres, le gouvernement vient de confirmer "la possibilité de reporter le paiement des cotisations sociales dues au 5 avril 2020". Pour elles, la DSN doit toutefois être établie avant le 6 avril. De plus, "les 490 000 travailleurs indépendants concernés par la date du 5 avril verront cette échéance reportée automatiquement, les cotisations et contributions sociales dues étant lissées sur le reste de l’année". Enfin, l'échéance mensuelle du 20 mars des travailleurs indépendants n'a pas été prélevée. "Dans l’attente de mesures à venir, le montant de cette échéance sera lissé sur les échéances ultérieures (avril à décembre)", précise Bercy. | |
Report de paiement d'impôts directs | Les entreprises peuvent demander au service des impôts des entreprises le report sans pénalité du règlement des prochaines échéances d'impôts directs (acompte d'impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires). "Si elles ont déjà réglé leurs échéances de mars, les entreprises ont peut-être encore la possibilité de s’opposer au prélèvement SEPA auprès de leur banque en ligne. Sinon, elles ont également la possibilité d'en demander le remboursement auprès de leur service des impôts des entreprises, une fois le prélèvement effectif", précise le portail de l'économie, des finances, de l'action des comptes publics. Pour les travailleurs indépendants, il est possible de moduler à tout moment le taux et les acomptes de prélèvement à la source. Il est aussi possible de reporter le paiement de leurs acomptes de prélèvement à la source sur leurs revenus professionnels d’un mois sur l’autre jusqu’à trois fois si leurs acomptes sont mensuels, ou d’un trimestre sur l’autre si leurs acomptes sont trimestriels. | |
Garantie de l'Etat sur les prêts bancaires | Les prêts bancaires accordés entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020 aux entreprises non financières sont garantis (pour partie) par l'Etat à hauteur de 300 milliards d'euros. L’amortissement des prêts doit faire l’objet d’un décalage temporel de douze mois minimum. Un arrêté du ministre de l'économie doit définir le cahier des charges. La mise en oeuvre de ce mécanisme est confiée à BPI France. | Projet de loi de finances rectificative pour 2020 + arrêté du ministre de l'économie (en attente) |
Reports de déclarations fiscales | La DGFip a annoncé que l'envoi de la liasse fiscale annuelle et la déclaration de revenus pouvaient être repoussés respectivement au 31 mai et au 15 juin. | |
Garantie de l'Etat en matière de crédit inter-entreprises | L’État est autorisée à apporter sa garantie, dans la limite de 10 milliards d’euros, à la caisse centrale de réassurance afin qu’elle pratique des opérations d’assurance ou de réassurance, intervenant avant le 31 décembre 2020, des risques d’assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises et sur des entreprises de taille intermédiaire, ainsi que des engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction. Un décret doit préciser les conditions de cette garantie. | Projet de loi de finances rectificative pour 2020 + décret (en attente) |
Diverses mesures en matière sociale | Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 autorise le gouvernement à prendre par ordonnances certaines mesures sociales telles que :
| Projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 + ordonnances (en attente) |
Dérogations en matière de délais de paiement | Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 autorise le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure :
| Projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 + ordonnances (en attente) |
Dérogations relatives à la vie des sociétés | Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 autorise le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure :
| Projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 + ordonnances (en attente) |
Restitution accélérée de crédits d'impôt et de TVA | Gérald Darmanin a annoncé "la possibilité de demander un remboursement anticipé des créances d'impôt sur les sociétés restituables en 2020 et un traitement accéléré des demandes de remboursement des crédits de TVA par la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP)". | |
Dispositif général d'aide aux entreprises | Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 autorise le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure d'aide directe ou indirecte aux entreprises et aux associations dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie ainsi que d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions | Projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 + ordonnance (en attente) |
(*) cette liste, établie le 23 mars 2020, n'est pas exhaustive. De plus, elle est susceptible d'évoluer régulièrement.